Points de vues

Vers un tronc commun aux cours philosophiques? Le débat est ouvert

Cliquez ci-après pour la Plénière du Parlement de la Communauté française du 2 mai 2012: Interventions/ Marie-Dominique Simonet

Cliquez ci-après pour l’article »le tronc commun continue son action » de La Libre du 3 mai 2012:http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/735585/le-tronc-commun-continue-son-chemin.html

 

Cliquer ci-après pour l’article de la RTBF « Vers un tronc commun aux cours philosophiques dès la primaire »  http://www.rtbf.be/info/belgique/detail_vers-un-tronc-commun-aux-cours-philosophiques-des-la-primaire?id=7403463

 

Pour l’article du Soir « Morale et religion pour tous » du 18 janvier 2012:

http://archives.lesoir.be/ecole-un-tronc-commun-pour-tous-les-cours_t-20120118-01RN3T.html?query=Ecole+&queryor=Ecole+&firstHit=80&by=10&when=-1&sort=datedesc&pos=87&all=77393&nav=1

Pour l’article du Soir « Morale: un cours fourre-tout » du 11 janvier 2012

http://archives.lesoir.be/morale-un-cours-fourre-tout-et-les-eleves-%AB_t-20120110-01RA4D.html?queryand=le+cours+de+morale+est-il+un+fourre-tout+%3F&firstHit=0&by=10&when=-1&sort=datedesc&pos=0&all=6&nav=1

Rectificatif de Claudine Leleux à l’article « Morale un cours fourre-tout »  http://users.skynet.be/claudine.leleux/presse.htm

Communiqué du Centre d’Action Laïque du 27 janvier 2012

http://www.calbw.be/Bricolage-autour-d-un-pretendu-tronc-commun_a878.html?preaction=nl&id=13052210&idnl=105905&

Réponse deElisabeth Grailet, Anne Vrancken et Vincent Furnelle, Philosophes et professeurs de morale à la Haute Ecole Charlemagne.


Qui a peur de la libre pensée ?

Ainsi le cours de morale serait un fourre-tout !? Un article du « Soir » (11.01.12), au titre provocateur et poujadiste (Morale : un cours fourre-tout ?), brosse un portrait partiel et partial de ce que peut être un cours de morale non-confessionnelle. Manque évident de nuances, raccourcis lapidaires : « […] Les élèves ne s’y investissent pas. Les professeurs non plus.» Nous nous inscrivons en faux contre ces propos qui ressortissent à la catégorie généralisations abusives , catégorie particulièrement visée dans notre cours afin de développer la pensée critique des élèves. La réalité des cours philosophiques est complexe et de tels propos ne peuvent être que réducteurs. Dans quelle intention diffuse-t-on de pareils slogans ?

Est-ce vraiment un fourre-tout que de développer la liberté de penser, l’esprit critique et l’indépendance à l’égard de toute autorité idéologique ? À une époque où l’information est infiltrée par la publicité, où la politique peut être tentée par la démagogie, où les banques entendent dicter les lois… il est essentiel d’armer les futurs citoyens pour résister aux manipulations et aux intrigues. Le cours de morale s’y attache depuis bien longtemps, sur base, entre autres, d’un programme très explicite à cet égard (Programme d’études du cours de Morale – 181/2002/240).

Dans la foulée (« Le Soir » du 18.01), nous découvrons un projet de réforme des cours philosophiques par l’introduction d’un tronc commun. Cette proposition suscite notre perplexité. N’est-ce pas à nouveau le bricolage qui prévaut en ces temps où la vitesse et l’urgence comptent parmi les valeurs de décision ? Veut-on d’un tronc commun où l’étalage des obédiences tient lieu de questionnement profond sur les dogmes, les certitudes, les preuves et les doutes ? Veut-on d’une foire où les bateleurs rivalisent en séduction auprès du public scolaire ? Les lieux de convergence des obédiences philosophiques ne sont pas évidents. Des différences fondamentales existent : aborder la liberté de jugement là où prévaut la foi en une autorité transcendante en est l’obstacle majeur. Ces divergences ne sont pas des aspérités à négliger au nom d’un lissage d’apparence. Par des rapprochements artificiels, on prendrait le risque de compromettre, au sein de l’école, un pluralisme qui prépare à une citoyenneté d’ouverture.

Sur le principe, comment se peut-il que nous, formateurs des futurs professeurs de morale de l’enseignement primaire et secondaire, apprenions cela par la voie de la presse ? En tant que professionnels et experts, nous avons des choses à dire et à défendre dans les discussions, à propos de décisions qui nous impliquent nous et nos étudiants au premier chef.

Nous entendons réagir :

– Les graphiques statistiques, parus dans l’article du 18.01, qui définissent le pourcentage d’élèves fréquentant les cours philosophiques ne sont-ils pas biaisés du fait même que dans l’enseignement libre, contrairement à l’enseignement officiel où le pluralisme est garanti, ce choix n’existe pas ? Dès lors le débat n’est-il pas lui-même biaisé ?

– Un tronc commun serait proposé. Qui va le définir? Un cours de morale non-confessionnelle, d’inspiration philosophique, ne peut être identifié à un cours de religion, soumis à des chefs de cultes. L’objet de la liberté de pensée ne peut se définir que dans un débat ouvert et public, impliquant et informant les acteurs du terrain, les enseignants eux-mêmes.

– Ce tronc commun, lié à des heures collectives, semble une bien curieuse entité. Son organisation pose question. Qui fera quoi et comment ? S’agirait-il d’une étape vers un cours commun d’éducation à la citoyenneté ou de philosophie? Nous n’y sommes pas a priori hostiles, mais, dans l’esprit du Décret Neutralité, seuls des enseignants détachés de toute appartenance religieuse et idéologique seraient habilités à le donner.

– Une formation continuée serait organisée. La question plus fondamentale est celle de la formation initiale, qui est notre responsabilité. Depuis toujours, les cours que nous dispensons à nos étudiants, futurs professeurs de morale, conformément au programme qu’ils devront suivre, traitent des trois points qu’on nous présente comme le futur tronc commun : les différentes convictions religieuses et laïques, la citoyenneté et le vivre ensemble, ainsi que la philosophie. Avant de réinventer le monde, peut-être pourrait-on nous interroger sur nos besoins ?

Les témoignages valent ce qu’ils valent. Si ceux retenus par l’article du 11.01 sont sévères et négatifs, nous pourrions en proposer d’autres, enthousiastes, constructifs et positifs. « On n’a pas vu l’heure passer ! » La majorité de nos étudiants trouvent le cours de morale actif, dynamique et stimulant. Ils ont le sentiment d’y être sollicités et de pouvoir y être entendus. Au sein de l’école, il représente un espace de liberté d’expression, un lieu de réflexion personnelle et collective sur l’actualité et l’évolution de notre société. Sa pratique ne peut se réduire à un contenu doctrinal que nous leur exposerions, elle est une confrontation à la pluralité des valeurs et des opinions, une incitation à penser par soi-même et à agir. C’est la démocratie elle-même qui en est l’enjeu. Libres penseurs, attachés à notre indépendance, nous nous battrons pour que toute réforme à venir ne jette pas le bébé avec l’eau du bain.

Elisabeth GRAILET

Anne VRANCKEN

Vincent FURNELLE

Philosophes et Professeurs de morale

à la Haute École Charlemagne