Cours de morale
Le colloque « Quel avenir pour le cours de Morale ? »
Ce colloque s’est déroulé le 17 novembre au Parlement de la Communauté Française.
Ce colloque, initié par Isabelle Emmery et Véronique Jamoulle, députées PS au Parlement de la Communauté Française, avait pour ambition de faire un état des lieux portant sur de nombreux aspects liés au cours de Morale : son histoire, ses valeurs, ses enjeux, la formation initiale et continuée des enseignants du primaire et du secondaire, l’organisation du cours dans les différents réseaux officiels et libre non confessionnel, la promotion du cours.
I. Emmery et V. Jamoulle se proposent ainsi de poser les fondements d’une réflexion sur l’avenir du cours et plus particulièrement en vue « d’élaborer un réel statut de l’enseignant chargé de ces cours, et sur la mise en œuvre de politiques de formation et d’encadrement adaptés aux difficultés du terrain et aux objectifs du cours ».
En préliminaire au Colloque, un questionnaire assez détaillé a été envoyé à tous les maîtres et professeurs de morale en Communauté Française.
L’objectif de ce sondage était de recueillir les avis des acteurs de première ligne et les résultats sont présentés comme une « photographie du vécu de ceux qui dispensent le cours ».
Le questionnaire a été complété par 66 enseignants provenant de 66 établissements : 26 instituteurs, 12 AESI, 16 AESS, 10 enseignants hors titres, 2 Maîtres assistants, 2 Maîtres de stage.
Pointons quelques avis émis par les participants au sondage.
La formation continuée est plébiscitée jugée motivante et utile, bien que trop peu variée et pas assez fréquente.
La plupart des sondés considèrent que, cumulée à une expérience de terrain, une formation continue bien conçue peut pallier le manque de formation initiale.
Des propositions thématiques renforcent le propos : mise sur pied du module laïcité, création d’outils pédagogiques.
Dans l’enseignement primaire, les Maîtres de Morale disent être confrontés aux difficultés suivantes : choix du cours par défaut, trop d’élèves par classe, statut du cours pourvoyeur d’heures de fourche.
Les Maîtres de Morale sondés proposent de renforcer l’implication des directions dans l’organisation du cours, de favoriser l’échange de bonnes pratiques, d’organiser des formations à l’apprentissage du libre examen.
Dans l’enseignement secondaire, les professeurs signalent pratiquement les mêmes difficultés que dans l’enseignement primaire. Ils ajoutent souffrir des représentations du cours non perçu comme « un vrai cours ». Ils aspirent à un changement dans la représentation des parents, collègues et élèves sans proposer toutefois de solution concrète.
En matière de formation initiale, beaucoup de propositions sont avancées pour améliorer celle-ci : mettre en place un tutorat des jeunes enseignants lors de l’entrée dans la profession, rétablir des leçons modèles auxquelles les futurs enseignants pourraient assister, inviter les futurs agrégés (AESS) aux réunions de concertation pédagogique afin de les confronter avec le terrain, favoriser le passage des enseignants n’ayant pas les titres requis par une Haute Ecole.
En matière de formation continue, une majorité de réponses souhaite l’imposition de celle-ci à ceux qui n’ont pas les titres requis, surtout quand il s’agit de formation pédagogique.
Certains voient dans l’inscription à une formation continue la preuve d’un engagement philosophique.
Concernant les rapports entre la laïcité et le cours de morale, les résultats de l’enquête sont disparates : pour certains c’est l’évidence même de parler de laïcité au cours, tandis que pour d’autres, les rapports entre laïcité et cours de morale sont invisibles.
La fête de la Jeunesse Laïque est citée en exemple du lien qui unit cours de morale et laïcité. Certains qualifient les relations avec les institutions de la laïcité d’excellentes, d’autres regrettent leur insuffisance.
A propos de la question « Faut-il avoir une conviction pour enseigner la morale ? », une majorité des sondés répond par l’affirmative.
Concernant les relations à construire entre les professeurs de morale et le mouvement laïque, les réponses de la majorité se montrent favorables à des relations étroites et réciproques. Citons parmi les propositions : un soutien matériel et logistique, tout en maintenant la liberté pédagogique des enseignants, le souhait d’avoir davantage d’informations du mouvement vers les enseignants.
Sur les façons d’améliorer la qualité de la formation des professeurs de morale, les sondés proposent de renforcer les heures de formation initiale pour les Maîtres de Morale, de suivre des formations continues en cours de carrière régulièrement et en quantité suffisante, de mieux connaître l’histoire des religions et de la philosophie, d’inspecter et de conseiller les professeurs.
Concernant les différentes manières d’intégrer au mieux la fonction, les propositions suivantes sont avancées : « pratiquer le libre examen, favoriser le coaching, apprendre à se situer spirituellement ».
A la question de savoir comment assurer la promotion des cours de morale, les enseignants citent deux volets : mettre en avant une série de valeurs promues par la laïcité dans leurs cours : solidarité citoyenneté, … (la liste est longue), mais aussi valoriser l’expression des élèves, promouvoir la philosophie pour enfants en classe par la mise en situation permettant de ressentir et de réfléchir sur différentes valeurs, par l’appel à une réflexion en partant du vécu de l’enfant, par l’invitation de partenaires extérieurs.
Concernant les outils jugés les plus adéquats pour la promotion du cours, se dégagent quatre axes : les publications, la méthodologie, l’extra scolaire, la communication directe avec les enseignants.
A la question « Quelle est la perception de vos élèves au sujet de la laïcité ? », les enseignants répondent de manière contrastée. Cela va de « la laïcité vue comme un espace de liberté » à la laïcité perçue comme « une autre forme de religion ».
De manière plus nuancée, les réponses font apparaître que si le concept est flou au début du secondaire, il s’affine au cours du cursus et que la méfiance première fait place à une discussion enrichissante pour tous.
A noter : chez « les grands de 5ème et 6ème primaire, on rencontre fréquemment l’idée selon laquelle ce cours devrait être étendu à tous les étudiants » !
Le Colloque lui-même s’est déroulé en deux phases.
Les ateliers du matin ont permis aux participants de soulever un certain nombre de problématiques autour des thématiques suivantes :
At 1 Cours de Morale et enseignement fondamental : partenariat, développement, pédagogie, support.
At 2 Cours de Morale et enseignement secondaire : un chantier pour la pensée et la confrontation aux valeurs, la confrontation à l’autre, aux enjeux de la société et de l’humain, un espace de rencontre.
At 3 Inspection : enjeux, didactique, motivation et dynamique.
At 4 Formation initiale pour les Maîtres de morale et les professeurs de morale : état des lieux et enjeux.
At 5 Quelles conditions de travail et quel accompagnement pour les enseignants qui ne disposent pas des titres requis ?
L’après-midi, la reprise de certaines thématiques du matin a permis d’approfondir certaines problématiques soulevées le matin :
Gr 1 Quel enrichissement retirent les enseignants de la réflexion laïque ? Faut-il être laïque pour enseigner la morale ? Quelles valeurs promouvoir ?
Gr 2 La formation des maîtres et professeurs de morale : présentation du programme de l’agrégation à l’ULG, spécificité de la méthode … dans le cadre d’un cours de morale à distinguer d’un cours de … (philosophie).
Gr 3 Le cours de morale : un contenu enrichi et renouvelé : l’apport du questionnement au 3ème degré en vue de déterminer une réflexion vivante et critique à partir de questions portant sur le bonheur, la vérité, la justice, la responsabilité…
Gr 4 La promotion du cours de morale :
– à travers les programmes du cours
– à travers les collaborations possibles avec les associations laïques
Ces échanges riches et variés ont permis la confrontation de différentes représentations du cours de morale et par conséquent de différentes propositions quant à l’avenir du cours.
Un document intitulé « Cours de Morale : une histoire longue et des positions contrastées » fait état des différentes conceptions du cours qui ont prévalu durant ces vingt dernières années.
On peut constater que certaines questions d’aujourd’hui étaient déjà posées clairement en 1996-1998-2002 : elles portent entre autres sur la conception de la neutralité à promouvoir en sein de notre démocratie.
Signalons à cet égard, qu’un article paru dans Entre-vues (décembre 1994, n°24) écrit par Paul Martens (Juge à la Cour d’Arbitrage) éclaircit la notion de Neutralité définie par le décret du 31 mars 1994 en se rapportant aux travaux préparatoires du décret.
De manière synthétique, l’auteur rappelle que la volonté n’était pas de conjurer l’engagement mais bien l’indifférence.
Il rappelle également que la neutralité n’impose pas le respect de n’importe quelle opinion notamment en subordonnant la liberté de répandre des informations au respect des droits de l’homme ; ce qui revient à « mettre en garde contre tout système de société qui véhiculerait des valeurs hostiles à celles énoncées dans l’article 2 ».
Quant à l’autorisation d’exprimer ses opinions personnelles, Paul Martens démontre bien que ce qui est voulu par le législateur c’est de permettre au professeur de prendre parti mais d’interdire le prosélytisme et le militantisme (cfr Art.4).
Et il signale que « dés lors que cette liberté est donnée au personnel enseignant en général, il est inutile de le répéter pour le professeur de morale », raison pour laquelle elle ne se retrouve pas dans l’article 5 consacré aux titulaires de cours de religions reconnues et de morale inspirée par ces religions ainsi qu’ aux titulaires des cours de morale inspirée par l’esprit de libre examen.
Ici la volonté du législateur est de donner une définition positive identifiant le cours par ce qu’il est (et non plus par ce qu’il n’est pas), ainsi que de légitimer le recours à la méthode du libre examen.
En bref, il semble bien que c’est l’ensemble des articles du décret Neutralité qui s’imposent à l’ensemble des enseignants, en ce y compris les enseignants des cours des religions reconnues et des cours de morale. Ces derniers ont le droit d’exprimer des choix personnels tout en ne dénigrant pas ce qui est dit dans les cours parallèles et pour eux également tout prosélytisme et tout endoctrinement est proscrit.